La commission d'enquête créée à l'Assemblée nationale après l'attaque terroriste à la préfecture de police de Paris préconise notamment de renforcer le rôle de la DGSI et d'instaurer une "prestation de serment" pour les agents des professions sensibles. Le rapport de cette commission est examiné mercredi matin par les députés qui la composent.
"Comment un agent, ayant l'habilitation à la protection du secret de la défense nationale (...) a-t-il pu passer entre les mailles du filet ?"
La commission d'enquête "chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019" rend ses conclusions mercredi matin.
Présidée par Eric Ciotti (LR) et avec Florent Boudié (LaREM) comme rapporteur, la commission, créée à la demande du groupe Les Républicains, était chargée d'enquêter sur les événements du 3 octobre 2019. Ce jour-là, Mickaël Harpon, informaticien à la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), a tué quatre fonctionnaires avant d’être abattu.
"Jamais jusqu'ici une attaque terroriste ne s'était déroulée au sein d'un service censé protéger les Français contre la menace terroriste", souligne Eric Ciotti dans l'avant-propos du rapport.
La commission a réalisé pendant six mois près de 40 auditions : "Nous avons été accablés et sidérés par les informations que nous avons recueillies, et par l'importance des failles ainsi mises en lumière", écrit aussi Eric Ciotti.
Interrogé par LCP, le rapporteur de la commission d'enquête Florent Boudié (La République en Marche), constate que la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) "était très en deçà des standards de sécurité interne des autres services de renseignement français".
Selon Eric Ciotti, Mickaël Harpon aurait dû être écarté de son service depuis longtemps : un certain nombre de ses comportements, des "signaux faibles", auraient dû alerter ses collègues et la hiérarchie.
Le député Les Républicains évoque sa "pratique de la religion" devenue au fil des années "plus rigoriste", un "changement d'attitude", mais aussi sa décision de "ne plus faire la bise à une partie de ses collègues féminines".
Mickaël Harpon se serait par ailleurs "réjoui devant ses collègues" de l'attentat de Charlie Hebdo de janvier 2015. "Son encadrement direct a été informé de cet évènement sans qu'aucune sanction ne s'en suive ni aucune remontée d'information au niveau hiérarchique pertinent", ajoute Eric Ciotti.
Nous sommes bien en présence d'une faillite collective d'une institution qui doit profondément se réformer. Eric Ciotti
Eric Ciotti met directement en cause la DRPP, chargée d'"un volet de la lutte contre le terrorisme à Paris et dans les départements de la petit couronne". L'élu propose de la "décharger de l'ensemble de ses missions en matière de lutte contre le terrorisme au profit de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)".
La DGSI est, selon le député LR, "la mieux placée pour veiller directement à la sécurité intérieure, à Paris comme ailleurs en France".
Dans le rapport de la commission d'enquête, Florent Boudié qualifie cette proposition de scénario a minima. Il propose également une "refonte totale" de la DRPP.
Le rapport de la commission d'enquête préconise notamment de confier le rôle de chef de file des recrutements dans les services de renseignement à la DGSI mais aussi à la direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD).
Autres propositions figurant dans le rapport :
Le rapport propose aussi de réduire la durée de validité de certains "avis de sécurité", mais aussi de renforcer les "contrôles inopinés".
Florent Boudié souhaite également "généraliser la mise en place de référents chargés de la radicalisation interne" et "mettre en place une plateforme anonymisée ou partiellement anonymisée destinée aux signalements internes des professions sensibles".
Le rapport de la commission préconise par ailleurs d'"engager la réflexion sur une adaptation du principe du contradictoire pour le contentieux des mesures disciplinaires prises à l'encontre des agents radicalisés" dans le but de "garantir la confidentialité des informations transmises au juge".
Autre mesure avancée : "Instaurer une prestation de serment affirmant", pour les agents des professions sensibles, "leur adhésion aux valeurs de la République".