Trois motions de censure seront débattues dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ce lundi 24 octobre. Trois motions de censure à l'ordre du jour dans la même journée, c'est inédit. Deux ont été déposées par les groupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale d'une part et le groupe du Rassemblement national d'autre part, suite à l'utilisation du 49.3 sur la première partie du projet de loi de finances par Elisabeth Borne. Une troisième a été déposée par la Nupes après l'engagement de la responsabilité du gouvernement sur la partie recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
C'est inédit. Ce lundi, le gouvernement d'Elisabeth Borne devra faire face à trois motions de censure dans la même journée à l'Assemblée nationale. Sans majorité absolue et confronté à des oppositions qui ont affiché leur intention de voter contre le budget de l'Etat et de le budget de la Sécurité sociale préparés par l'exécutif, ou de les modifier profondément sans pouvoir dégager de majorité alternative, la Première ministre a fait usage de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution deux fois la semaine dernière. Une première fois sur la première partie du projet de loi de finances (PLF), qui prévoit les recettes de l'Etat pour 2023. Et une deuxième fois sur la partie recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). L'utilisation du 49.3 permet l'adoption d'un texte sans vote, sauf si une motion de censure est déposée. Ce que les groupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (La France insoumise, Socialistes, Gauche démocrate et républicaine, Ecologiste) et le groupe du Rassemblement national ont décidé de faire. Deux fois pour la Nupes (sur le PLF et le PLFSS), une fois pour le RN (sur le PLFSS).
Résultat, les deux motions de censure provoquées par l'utilisation du 49.3 sur le projet de loi de finances seront débattues lundi, à partir de 16h. Et selon nos informations, la troisième, portant sur l'utilisation du 49.3 dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, sera programmée dans la soirée, à partir de 21h30, par la conférence des présidents de l'Assemblée qui doit se réunir dans l'après-midi. Trois motions de censure sur une journée, c'est une première. La journée s'annonce longue pour le gouvernement et emblématique de ce début de législature.
Jusque-là, seulement deux gouvernements ont eu à faire face à deux motions de censure simultanées. Le gouvernement de Raymond Barre, plusieurs fois. Et celui d'Edouard Philippe, une fois. En mars 1979, le premier a dû faire face à deux motions : l'une déposée par le groupe socialiste de François Mitterrand, l'autre déposée par le groupe communiste de Georges Marchais, contre sa deuxième déclaration de politique générale. Une situation qui se reproduira lors de ses deux discours de politique générale suivant. Au cours de son bail à Matignon, Raymond Barre a, par ailleurs, affronté six doubles motions de censure provoquées par l'utilisation du 49.3. Il ensuite fallu attendre juillet 2018 pour qu'un gouvernement soit confronté à deux motions de censure simultanées. A l'époque, le groupe Les Républicains d'une part, ainsi que les groupes de gauche (Gauche démocrate et républicaines, La France insoumise et Socialistes) d'autre part, ont déposé deux motions de censure au motif de "dysfonctionnements graves au sommet de l'Etat", suite à l'affaire Benalla.
Dans la configuration actuelle de l'Assemblée, sans majorité absolue et où tous les courants politiques sont représentés, trois groupes d'opposition ont la capacité de déposer une motion de censure en comptant sur leurs seuls élus : le Rassemblement national (89 députés), La France insoumise (75 députés) et Les Républicains (62 députés). Pour être déposée, une motion de censure doit être signée par au moins un dixième des membres de l'Assemblée nationale, soit 58 députés lorsque tous les sièges sont pourvus.
Pour être adoptée et faire tomber le gouvernement, une motion de censure doit réunir les voix de la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale, soit 289 voix sur 577 députés. Compte tenu des déclarations faites par les principaux groupes politiques du Palais-Bourbon, cela n'arrivera pas cette fois-ci. En effet, les groupes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale ne voteront pas la motion de censure du Rassemblement nationale et vice-versa. Tandis que Les Républicains, qui n'ont pas déposé de motion de censure ne voteront aucune de celles qui l'ont été.
Cette séquence n'en est pas moins forte politiquement et signe de la crispation du débat politique. La semaine dernière, le gouvernement - le premier à ne pas disposer d'une majorité absolue depuis presque 30 ans - a montré qu'il n'hésitera pas à utiliser le 49.3 aussi souvent que nécessaire dans le cadre de l'examen du bugdet de l'Etat et du budget de la Sécurité sociale, afin que ces textes soient adoptés sans s'éloigner de la ligne voulue par le chef de l'Etat. Dans le cadre du PLF, c'est une première depuis Pierre Bérégovoy, il y a 30 ans. Dans le cadre du PLFSS, il s'agit d'une première depuis Raymond Barre, il y a 43 ans. Cette séquence est aussi une façon pour les oppositions d'affirmer leur stratégie, d'afficher leurs priorités et de prendre date. La France insoumise et ses alliés de la Nouvelle union populaire écologique et sociale qui ont déposé une motion de censure pour chaque utilisation du 49.3 veulent apparaître comme l'opposition la plus déterminée au gouvernement et à Emmanuel Macron. Le Rassemblement national qui n'a déposé qu'une motion de censure continue de miser sur le temps long pour s'institutionnaliser en évitant de jouer la surenchère. Et Les Républicains jouent la carte de la responsabilité en refusant, selon les mots du président du groupe LR, Olivier Marleix, de "rajouter du chaos au chaos".