Le directeur général d'Amazon France, Frédéric Duval, était auditionné mercredi à l'Assemblée nationale. Face à des députés pugnaces, qui ont notamment reproché à son entreprise de ne pas payer sa juste part d'impôts en France, il a défendu Amazon, qui a selon lui "contribué à la solidarité nationale" pendant la crise du Covid-19.
Une opération déminage. Mercredi, le directeur général d'Amazon France, Frédéric Duval, a répondu pendant deux heures aux interpellations des députés de la commission des affaires économiques.
Auditionné en visioconférence, le patron français du géant de l'e-commerce a longuement défendu son entreprise, qui n'a "absolument pas vocation à remplacer les commerçants" hexagonaux.
Selon Frédéric Duval, Amazon est "critiquée et attaquée sur la base d'informations infondées". "Depuis 2010, nous avons investi en France 9,2 milliards d'euros", a martelé le directeur général, qui a ajouté que son groupe créait sur le territoire 130.000 emplois directs et indirects.
Ces chiffres ont été contestés par les députés : "Un emploi créé chez Amazon entraîne la suppression de deux emplois dans le commerce traditionnel", a réagi David Corceiro (MoDem), citant le rapport de l'ancien secrétaire d'Etat chargé du numérique Mounir Mahjoubi.
L'élu MoDem a également accusé la multinationale de "faire de la précarité de l'emploi son principal socle de profit". Une mise en cause qui rejoint les inquiétudes relayées par la députée Annaïg Le Meur (La République en marche), qui a rappelé qu'Amazon est "régulièrement pointée du doigt pour ses pratiques en matière de défiscalisation ou de conditions de travail litigieuses".
Autant de critiques qui rejoignent les initiatives récentes de parlementaires qui souhaitent limiter le développement d'Amazon en France. En novembre, Matthieu Orphelin (non inscrit) et François Ruffin (La France insoumise) ont ainsi lancé une pétition prônant un boycott d'Amazon à l'occasion des fêtes de fin d'année.
Par ailleurs, des députés communistes, socialistes et de La France insoumise ont demandé dans une tribune l'instauration d'une taxe exceptionnelle "sur le chiffre d’affaires d’Amazon et des autres profiteurs de la crise" sanitaire.
Cette initiative a été traduite dans une proposition de loi présentée début décembre par les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine. Le texte veut également contraindre les GAFAM à "payer des impôts sur la base des activités qu’elles réalisent effectivement en France".
Et prochainement, La France insoumise présentera un texte "pour un moratoire sur les entrepôts et une taxe de solidarité" visant Amazon.
Frédéric Duval qui avait prévu que son entreprise serait mise en cause par les députés avait préparé sa défense. "Amazon est en France depuis plus de 20 ans", a-t-il souligné, ajoutant que "des millions de Français font confiance à [son entreprise]".
Près de 11.000 commerçants français vendent leurs produits sur la plateforme de e-commerce : "Le succès d'Amazon ne se construit pas contre les entreprises françaises mais bien avec elles", a soutenu Frédéric Duval. Il a par ailleurs tenté de relativiser le poids de son entreprise en indiquant que son chiffre d'affaires en 2019 était de 5,7 milliards d'euros, soit "environ 1% du commerce de détail en France".
Des résultats qui lui ont toutefois valu des félicitations de la part de la députée Laure de La Raudière (Agir ensemble), qui a "salué la performance d'Amazon", qui "rend bien des services aux citoyens".
Par ailleurs, Amazon a, selon Frédéric Duval, "contribué à la solidarité nationale" pendant la crise du Covid-19 : l'entreprise a "fourni à Santé publique France 5 millions de masques FFP2", "offert une campagne d'affichage sur Internet de 4 millions d'euros" ou encore "fait un don de 2,5 millions d'euros à la Croix-Rouge".
Voulant prouver sa bonne foi, le directeur général d'Amazon a rappelé "n'avoir pas hésité" à repousser le "Black Friday" d'une semaine, à la demande du gouvernement français.
Selon le directeur général d'Amazon France, son entreprise a même moins profité du premier confinement que "les acteurs de la grande distribution française" : "En proportion, le trafic qui est arrivé sur Amazon était moindre."
Il a également affirmé que les CDI proposés par Amazon sont "plutôt correctement payés" en évoquant un "salaire 25% au-dessus du Smic après deux ans", le don "d'une action gratuite par employé et par an", ainsi que l'existence d'un treizième mois.
"Je pensais en vous écoutant à la bonne vieille petite histoire du petit chaperon rouge dans laquelle le loup se fait passer pour la grand-mère pour manger la petite fille", a réagi la députée non inscrite Delphine Batho.
"Vous vous êtes décrit comme un bienfaiteur de l'humanité", a lui aussi ironisé Dominique Potier (Socialistes). L'élu a critiqué Amazon, dénonçant des "fraudes à la TVA par des sociétés-écrans que permettent le droit européen". Une "optimisation fiscale" estimée par François Ruffin (La France insoumise) à un milliard d'euros, une somme qui équivaut à "la construction d'un hôpital".
"Nous n'utilisons pas de sociétés-écrans", a répondu Frédéric Duval. "Nos sociétés sont déposées, parfaitement légales, en France, au Luxembourg, ces sociétés et leurs comptes de résultats sont disponibles en ligne", a expliqué le directeur général, qui nie toute "optimisation fiscale".
"La profitabilité de l'entreprise Amazon en pourcentage de son chiffre d'affaires est peu importante, elle est de l'ordre de 5%", a ajouté le patron d'Amazon France.
La société Amazon est peu profitable et donc paie peu d'impôts sur les profits mais beaucoup par son implantation générale. Frédéric Duval
"La contribution totale d'Amazon aux services publics en France est de 420 millions d'euros", a expliqué Frédéric Duval. Un chiffre contesté par Matthieu Orphelin : "Cette présentation est trompeuse, vous le savez, vous additionnez tout là-dedans", a déploré l'élu, qui juge "scandaleux" le refus d'Amazon de présenter des chiffres détaillés.
"C'est du foutage de gueule" a même déclaré Mounir Mahjoubi (La République en marche), qui n'a pas hésité à interrompre le directeur général d'Amazon France.
"C'est toujours facile de dire du mal d'Amazon et en même temps d'y vendre ses bouquins", a pour sa part tempéré Damien Adam (La République en marche). L'élu a cependant demandé à Frédéric Duval d'agir davantage "pour la transition écologique", notamment en modifiant ses modalités de livraison.
Frédéric Duval a par ailleurs déclaré que son groupe ne reviendrait pas sur sa décision de répercuter sur les commerçants qui utilisent son site le montant de la "taxe Gafa" votée par le Parlement.
"Nous faisons très peu de profits en France, en conséquence nous ne pouvons pas supporter cette taxe sans la redistribuer sur nos marchands tiers", a justifié le directeur général d'Amazon.