La déclaration d'Eric Ciotti, s'exprimant en faveur d'une "alliance" avec le Rassemblement national, en vue des élections législatives anticipées, a suscité une avalanche de réactions politiques indignées et provoqué une onde de choc chez Les Républicains. Vivement critiqué par plusieurs personnalités de droite, le président du parti apparaît isolé au sein même de sa famille politique.
C'est un nouveau séisme dans la vie politique française. Deux jours après la dissolution de l'Assemblée nationale, Eric Ciotti, président du parti Les Républicains, a fait part de son souhait de former une "alliance" avec le Rassemblement national en vue des élections législatives anticipées, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet prochains. "Une force doit se lever pour s’opposer à l’impuissance du macronisme et au danger des insoumis", a justifié le député des Alpes-Maritimes lors d'une interview sur TF1, ce mardi 11 juin.
"Cet accord, qui concernerait l'ensemble du territoire national", est le fait d'une décision prise sur "une ligne personnelle", a-t-il exposé. Et pour cause, cette annonce a immédiatement provoqué de multiples réactions négatives venues de sa propre famille politique. Plusieurs ténors des Républicains comme Gérard Larcher, le président du Sénat, et Olivier Marleix, le président sortant du groupe LR à l'Assemblée nationale, ont immédiatement demandé à Eric Ciotti de démissionner de la tête de leur parti. Celui-ci leur opposant une fin de non-recevoir, s'en remettant aux "militants".
Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, a quant à lui tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a accusé Eric Ciotti de "déloyauté". Il "nous a menti dans un but sans doute personnel (...) pour nous placer dans une situation telle qu'on ne puisse pas se retourner", a déploré Bruno Retailleau. "Vendre son âme pour un plat de lentilles et draper cela dans l’intérêt du pays, c’est ce que j’ai toujours refusé", a pour sa part réagi Valérie Pécresse. Sur X, la présidente de la région Ile-de-France a appelé à ce que les Républicains dénoncent "immédiatement" l'accord proposé par Eric Ciotti.
"Nous savons désormais qu’en juin 1940, Eric Ciotti n’aurait jamais traversé la Manche", a de son côté cinglé sur X le député sortant Julien Dive. "La salade niçoise d'Eric Ciotti est à vomir", a tancé le secrétaire général délégué de LR, Geoffroy Didier. Deux sénateurs, Jean-François Husson et Sophie Primas ont, quant à eux, annoncé leur décision de quitter le parti. Plus tôt dans la matinée, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a prôné une ligne de "clarté" qui ne "trahit jamais", désavouant sans le citer Eric Ciotti.
Apparaissant très isolé, le député sortant des Alpes-Maritimes n'a reçu que quelques soutiens identifiés venus de sa famille politique. Sur X, Guilhem Carayon, le président des Jeunes Républicains, a approuvé le "choix du courage et du bon sens". L'eurodéputée Céline Imart, ex-numéro deux de la liste de François-Xavier Bellamy, a également apporté son soutien à Eric Ciotti. Tout comme Christelle D'intorni, elle aussi députée sortante des Alpes-Maritimes : "Je salue la décision courageuse de mon ami Eric Ciotti ! L’union des droites, c'est additionner nos forces tout en préservant nos sensibilités et nos différences", a-t-elle écrit.
La main tendue du président des Républicains a été a accueillie avec félicité du côté du Rassemblement national. Marine Le Pen, a salué un "choix courageux" et le "sens des responsabilités" d'Eric Ciotti.
"En répondant à cet appel au rassemblement, Eric Ciotti choisit l’intérêt des Français avant celui de nos partis. Unissons nos forces pour lutter contre le chaos migratoire, rétablir l’autorité et l’ordre, et soutenir le pouvoir d’achat des Français", a complété le président du RN, Jordan Bardella.
L'annonce du député des Alpes-Maritimes a aussi fait réagir dans le camp présidentiel. "Ciotti signe les accords de Munich et enfonce dans le déshonneur la famille gaulliste en embrassant Marine Le Pen. Une honte", a fustigé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui faisait lui-même partie des Républicains avant de rejoindre Emmanuel Macron. "Ciotti se vautre dans le déshonneur pour sauver sa tête. Offrir à Le Pen le parti du général de Gaulle sur un plateau d’argent, la honte a désormais un nom", a renchéri le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.
Même tonalité chez Rachida Dati et Catherine Vautrin, elles aussi issues des rangs de LR. "Eric Ciotti porte un coup terrible à ma famille politique, la droite républicaine", a regretté sur X la ministre de la Culture, avant d'ajouter : "Ce que je redoutais vient d’arriver." Pour la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, le député des Alpes-Maritimes "déshonore la droite républicaine".
"Aujourd’hui, Jacques Chirac est mort une deuxième fois. Et Eric Ciotti vient d’assassiner la droite républicaine" a, quant à elle, déploré la présidente sortante de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.
L'annonce d'Eric Ciotti a également soulevé de très virulentes critiques à gauche. "Les Républicains n'ont plus de républicain que le nom", a vilipendé Mathilde Panot. "Le cordon sanitaire face au parti fondé par des Waffen SS n'est plus. [...] Une fois de plus, c'est 'plutôt Hitler que le Front populaire'", a ajouté sur X la présidente sortante du groupe La France insoumise au Palais-Bourbon.
"Une honte pour celui qui prétend représenter les héritiers de Charles de Gaulle", a pointé Cyrielle Chatelain, présidente sortante du groupe Ecologiste, décrivant une "tache indélébile", avant d'appeler à voter pour le nouveau "Front populaire", l'alliance annoncée des partis de gauche, lors des législatives anticipées. "Honte à vous", a quant à elle lancé l'élue du même groupe, Sandrine Rousseau, qui a directement interpellé Eric Ciotti, alors que celui-ci s'exprimait devant la presse.
"L'extrême-droite s'organise. Le risque est immense, notre responsabilité aussi", a réagi Boris Vallaud, le président sortant du groupe Socialistes à l'Assemblée, tandis que Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste, a tourné son regard vers le scrutin, écrivant sur X : "Toutes les digues ont sauté. (...) Notre responsabilité : la résistance".