Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté, mercredi 14 décembre, une proposition de loi visant à créer une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Le texte, déjà adopté par le Sénat, a été amendé par les élus de l'Assemblée nationale. Il sera examiné dans l'hémicycle du Palais-Bourbon le 16 janvier.
Tout du long de l'après-midi, Emmanuel Taché de la Pagerie (Rassemblement national), dont le groupe voulait reprendre ce texte d'origine sénatoriale dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire avant qu'il soit finalement inscrit de façon transpartisane à l'ordre du jour de l'Assemblée, aura été constant. À chaque amendement présenté sur la proposition de loi visant à créer une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, le co-rapporteur a opposé le même argument : toute modification du texte empêcherait un vote conforme par rapport à la version adoptée au Sénat, retardant inéluctablement son entrée en vigueur.
Il faut agir dans l'urgence, mais pas dans la précipitation. Prisca Thévenot, députée Renaissance
De fait, pendant un temps, la balance a semblé pencher vers cette issue, d'autant plus que seuls les groupes Écologiste et Socialistes avaient maintenus des amendements en vue de l'examen en commission. Mais finalement, la majorité présidentielle s'est prononcée en faveur de quatre d'entre eux, qui ont été adoptés. Interloqué, Ian Boucard (Les Républicains) a questionné ce choix, jugeant que la manœuvre avait pour but de "retarder" le texte sénatorial, voire de le substituer par une proposition de loi émanant de la majorité. S'attirant ainsi la réponse courroucée de Prisca Thévenot (Renaissance) ; jugeant le sujet "hautement important", l'élue Hauts-de-Seine a reconnu qu'il fallait "agir dans l'urgence, mais pas dans la précipitation", et qu'il serait inutile de voter un texte "inopérant".
Yannick Neuder (LR) est allé plus loin que son collègue, y voyant là une forme "d'obstruction parlementaire". "Vous ne pouvez pas reprocher que l'on débatte de l'adoption de certains amendements", a rétorqué la présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi (Renaissance).
Dans le détail, le texte adopté par les députés prévoit la création d'une avance d'urgence, à la charge de la Caisse nationale des allocations familiales. Ce prêt, sans intérêt, serait versé en trois mensualités à la victime, avec un premier versement trois jours après la demande, afin de lui permettre de quitter le domicile de l'agresseur. Pendant six mois, elle bénéficiera, en outre, du statut des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et pourra prétendre aux mêmes droits.
La victime pourra rembourser ce prêt en un ou plusieurs versements. En cas de défaut, la somme pourra être recouvrée par la Caisse d'allocations familiales. Des remises pourront cependant être consenties en fonction de la situation financière de la victime. Enfin, la somme pourra également être déduite d'éventuels dommages et intérêts prononcés contre l'auteur des violences.
Ce choix d'en passer par un prêt, et non par une aide sans contrepartie, a été critiqué par plusieurs élues de la Nupes, qui ont tenté, en vain, de faire évoluer le texte. "Ce dispositif est inefficace pour les victimes précaires, qui ont perdu leur emploi ou ont vu leur patrimoine confisqué par leur conjoint", a alerté Pascale Martin (LFI). "Cette logique de prêt est problématique. Moralement, ce n'est pas possible", a surenchéri Marie-Charlotte Garin (Écologiste). La co-rapporteure, Béatrice Descamps (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) a indiqué qu'une aide sans contrepartie n'aurait pas pu être universelle, mais versée selon des critères précis.
La proposition de Sandrine Rousseau (Écologiste) de créer une loi de programmation pluriannuelle des financements visant à lutter contre les violences faites aux femmes a également été écartée. Finalement, les quatre amendements qui ont été adoptés ont une portée assez restreinte : ils concernent la limitation du refus d'octroi du prêt aux seules demandes manifestement frauduleuses, une meilleure publicité du dispositif aux victimes par les forces de l'ordre, la dispense de consignation pour les victimes qui souhaitent se porter partie civile, ainsi que le titre de la proposition de loi.
On est vraiment dans le cosmétique. Ian Boucard, député LR
Cette dernière a été renommée afin d'inclure les violences intrafamiliales au dispositif. Sans que la proposition de loi n'ait été aménagée en ce sens, l'amendement d'Arthur Delaporte (Socialistes) ayant été jugé irrecevable. "On est vraiment dans le cosmétique", a regretté Ian Boucard, très mécontent des modifications apportées à la proposition de loi initialement présentée au Sénat par Valérie Létard (Union centriste). L'examen du texte dans l'hémicycle de l'Assemblée aura lieu le 16 janvier.