À l'occasion de l'examen des crédits de la mission "Sécurités" par la commission des lois, le ministre de l'Intérieur s'est exprimé sur l'accueil des victimes de violences sexuelles et sexistes par les forces de l'ordre. Appelant à l'irréprochabilité des agents, Gérald Darmanin a annoncé le lancement d'une expérimentation permettant une prise des plaintes en dehors des commissariats.
L'accueil des victimes et le traitement des plaintes pour violences sexuelles et sexistes par les forces de l'ordre est "perfectible", a reconnu le ministre de l'Intérieur, mardi 12 octobre, devant les députés de la commission des lois. Invité à détailler le budget de la police et de la gendarmerie pour 2022, Gérald Darmanin a également dû revenir sur les politiques entreprises pour améliorer l'accueil de ces victimes alors que ces derniers temps, plusieurs témoignages ont remis en question l'approche de fonctionnaires de police.
Formation, travaux matériels pour améliorer l'accueil en commissariat et en brigade de gendarmerie, création de locaux spécifiques pour les personnes qui déposent plainte pour violences conjugales, mise en place de davantage d'intervenants sociaux... Autant d'éléments qui doivent permettre de poursuivre "l'énorme travail de sensibilisation des forces de l'ordre, de formation et d'accueil des personnes qui déposent plainte", a détaillé le ministre.
Gérald Darmanin répondait plus particulièrement à une question de Jean-Félix Acquaviva (Libertés et territoires), l'élu ayant évoqué le cas du commissariat de Montpellier, mis en cause dans son traitement des victimes d'agressions sexistes et sexuelles. Selon Franceinfo, une centaine de personnes ont manifesté devant le bâtiment à ce sujet dimanche 10 octobre, dans le sillage du lancement du hashtag #doublepeine sur les réseaux sociaux, qui a provoqué un afflux de témoignages de victimes choquées par le comportement de certains fonctionnaires.
"Le cas de Montpellier nous interpelle", a reconnu Gérald Darmanin, qui indique avoir demandé à la nouvelle directrice centrale de la sécurité publique, Céline Berthon, de se rendre dans l'Hérault jeudi et vendredi pour enquêter sur la situation. "Il y a des questions que l’on ne pose pas à des femmes qui déposent plainte", a ajouté le ministre.
Gérald Darmanin a également confirmé la présence de "quelques unités" condamnées "de manière définitive" pour violences conjugales qui étaient encore en poste dans la police ou la gendarmerie, à la suite du drame de Mérignac. Un policier qui se trouvait dans cette situation avait recueilli la plainte de Chahinez Daoud, finalement brûlée vive le 4 mai 2021 par son mari. "Ces quelques unités, dans la somme des 250 000 policiers et gendarmes, c'est vraiment rien. Mais ce rien existe", a reconnu le ministre, jugeant que ces personnes "ne peuvent pas rester policiers et gendarmes, et encore moins être en contact avec le public".
Il a par ailleurs annoncé le lancement d'une expérimentation d'ici à la fin de l'année, dans certains départements, afin de favoriser la prise de plainte de victimes en dehors du commissariat ou de la brigade, dans des lieux neutres (chez une amie, à la mairie, chez une assistance sociale). "Ce n'est parfois pas évident de rentrer dans un commissariat", a-t-il estimé. "On va tout essayer pour améliorer les choses."
Quant aux crédits de la mission "Sécurités" dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine, Gérald Darmanin s'est félicité d'un budget "considérable", vantant particulièrement les choix qui ont été fait de privilégier les crédits affectés aux matériels et aux investissements plutôt qu'à l'augmentation de la masse salariale — cette maladie du "titre 2" étant symptomatique de la place Beauvau depuis longtemps. L'année 2022 doit, à titre d'exemple, permettre l'acquisition de 11 000 nouveaux véhicules pour les services, "l'équivalent de trois années budgétaires 'normales'". Depuis 2017, le budget dévolu à la police et à la gendarmerie a augmenté de près de 3 milliards d'euros, soit une hausse de 14 %. Un effort budgétaire reconnu par la quasi-totalité des représentants de groupes.
Le budget 2022 de la mission Sécurités augmente de façon considérable, surtout sur les matériels, et permettra à la police et à la gendarmerie de poursuivre leur grande transformation. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur
Le ministre de l'Intérieur a particulièrement mis l'accent sur les créations de postes : 10 000 depuis le début du quinquennat, comme s'y était engagé Emmanuel Macron. Le budget 2022 concrétise en outre certaines annonces du "Beauvau de la sécurité", grande consultation qui s'est achevée en septembre. Réforme des cycles horaires, extension de la durée de la formation, création d'une réserve opérationnelle de la police destinée à renforcer les liens police-population... Autant de sujets évoqués par Gérald Darmanin et qui seront, au moins partiellement, traités au sein du projet de loi de finances. Avant l'examen, hypothétique avant l'élection présidentielle, au vu du calendrier législatif, d'une grande loi de programmation pour la sécurité intérieure.