Critiquant les conséquences sociales et environnementales de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Communauté économique des pays d'Amérique du Sud, tous les groupes de l'Assemblée nationale - à l'exception de LFI - ont voté une résolution demandant au gouvernement de marquer "l’opposition de la France à l’adoption de l’accord" tel que conclu en 2019.
Un rare moment de convergence politique. Entre le crépuscule des débats à propos de la réforme des retraites et les désaccords sur la manière de lutter contre les déserts médicaux, l'Assemblée nationale a adopté, mardi 13 juin, par 281 voix contre 58, une proposition de résolution exprimant son opposition à l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mercosur, la Communauté économique des pays d'Amérique du Sud, rassemblant le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et l'Argentine, troisième marché intégré au monde après l'UE et l'Alena (Etats-Unis, Mexique, Canada).
Après plus de vingt ans de négociations depuis la fin des années 1990 entre les pays fondateurs du Mercosur et l'UE, un projet d'accord commercial a été adopté en juillet 2019. La ratification du traité, nécessaire pour son entrée en vigueur, n'est cependant pas encore acquise. C'est dans ce contexte qu'a été examinée la proposition de résolution transpartisane, demandant au gouvernement - en raisons de ses conséquences sociales et environnementales - de s'opposer à la signature de cet accord tel que conclu en 2019
Cosignée par des députés de tous les groupes politiques de l'Assemblée, à l'exception du Rassemblement national qui n'a pas été invité à le faire, la proposition de résolution (disponible ici) invite, par trois points, à ce que le gouvernement :
Des groupes de la majorité à ceux des oppositions tous les groupes du Palais-Bourbon ont voté en faveur de cette résolution, les députés se succédant à la tribune pour critiquer "un traité archaïque sur le fond et la forme" (Dominique Potier, PS), "un non-sens absolu" (Frédéric Falcon, RN), un texte "défavorable aux agriculteurs français" (Julien Dive, LR).
Bien qu'à l'origine de l'initiative, François Ruffin (LFI) a été mis en minorité par son groupe. Durant les débats, ses collègues Aurélie Trouvé (LFI) et Arnaud Le Gall (LFI) ont manifesté leur opposition à la résolution, Aurélie Trouvé jugeant qu'"un accord de libre-échange vertueux, ça n'existe pas". Une position déplorée par Pascal Lecamp (Démocrate), qui a regretté l'occasion manquée d'exprimer une position unanime de l'Assemblée sur le sujet.
Au nom du gouvernement, Olivier Becht a critiqué le rejet du libre-échange par les députés LFI et du RN. Selon le ministre délégué chargé du Commerce extérieur, "la remise en cause du commerce international [serait] mortifère pour notre économie".
Olivier Becht a également indiqué aux députés que trois conditions "extrêmement claires" avaient été posées par le gouvernement auprès des instances européennes pour l'adoption de l'accord de libre-échange UE-Mercosur : respect de l'accord de Paris de issu de la COP21 de 2015, réciprocité des normes environnementales et sanitaires ("mesures-miroirs") et existence de "mécanismes de sanctions" dès l'entrée en vigueur du traité. Autant d'éléments permettant au ministre d'affirmer l'existence d'une "très forte convergence" entre le contenu de la résolution et la position du gouvernement. En 2019, Emmanuel Macron s'était d'ailleurs opposé à l'accord en l'état, position réaffirmée en 2021.
Si une proposition de résolution n'a pas de valeur contraignante à l'égard du gouvernement, l'adoption de cette initiative transpartisane par l'Assemblée nationale est cependant un signal fort adressé à l'exécutif et à l'Union européenne, à l'heure où Ursula von der Leyen effectue une tournée en Amérique du Sud et que des négociations sont prévues dans les prochaines semaines pour parvenir un accord "d'ici la fin de l'année", espère la présidente de la Commission européenne.