Harmonisation des mandats électifs à cinq ans, organisation conjointe des élections présidentielle et législatives, simplification du système démocratique... Dans un rapport présenté mercredi 2 février, Pacôme Rupin (LaREM) et Raphaël Schellenberger (LR) proposent des pistes pour rénover la vie démocratique.
Quelles solutions apporter à l'abstention grandissante et au désintérêt croissant des citoyens pour les élections et la vie démocratique ? C'est sur ces enjeux complexes que les députés du groupe de travail "sur les modalités d'organisation de la vie démocratique" se sont penchés depuis le mois de novembre. Leurs conclusions ont présentées, mercredi 2 février, devant la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Car le constat est désormais unanime, tous les élus présents, quel que soit leur groupe politique, l'ont relevé : il y a bel et bien un "assèchement de la vie démocratique", comme le formule Guillaume Gouffier-Cha (LaREM). L'avant-propos du rapport relève que "les manifestations de la crise de confiance démocratique dans notre pays sont nombreuses ; que l’on songe aux taux d’abstention historiques enregistrés au cours des élections municipales, départementales et régionales organisées en 2020 et 2021, ou encore au déferlement de violences, verbales mais aussi physiques, qui visent les élus en grand nombre depuis quelques mois". "Nous basculons dans une vie démocratique liquide", estime Pacôme Rupin (LaREM), soulignant l'individualisation de la société, "l'atomisation des corps sociaux" et les revendications catégorielles croissantes des citoyens.
Dans leur rapport, Pacôme Rupin et Raphaël Schellenberger (LR) esquissent plusieurs pistes qui chambouleraient la vie de la Vème République. Parmi celles-ci, la nécessité de redonner toute sa force au Parlement en général et à l'Assemblée nationale en particulier. Pour ce faire, les élus préconisent d'organiser les élections présidentielle et législatives le même jour. "Les élections législatives ne sont vues que comme une confirmation du deuxième tour de la présidentielle", a justifié Pacôme Rupin, pour qui cette évolution permettrait donner une nouvelle légitimité aux députés en garantissant une forte participation au scrutin législatif.
Autre proposition : harmoniser la durée des mandats électifs à cinq ans, ce qui permettrait de rendre le système démocratique plus lisible, tout en jalonnant le quinquennat de grands rendez-vous électoraux (un bloc national, un bloc local, un bloc européen). Une grande partie du rapport concerne plus particulièrement la vie démocratique locale, dans le but de la rendre plus lisible par les citoyens. Raphaël Schellenberger et Pacôme Rupin proposent ainsi d'harmoniser les scrutins locaux, en répartissant 50 % des sièges à la proportionnelle au premier tour. Le second tour permettrait de répartir les sièges restants entre les deux listes arrivées en tête au premier tour.
"Pas un scrutin ne ressemble à l'autre en France. C'est quand même assez invraisemblable", a pointé Raphaël Schellenberger, pour qui les règles relèvent parfois de la "quintessence de l'absurdité". "Même nous, en tant que législateurs de la commission des lois, on a toujours des doutes." Autre mesure à même de davantage intéresser les citoyens à la vie politique locale : l'élection du président des intercommunalités et des métropoles au suffrage universel direct, afin d'éviter le sentiment de la "tambouille politique" après une élection.
Constatant "l'affaiblissement des collectivités territoriales", les co-rapporteurs se prononcent en outre pour le retour à "des régions à taille humaine qui correspondent à une véritable identité régionale", proche du découpage antérieur à la réforme de 2015. Ils plaident ensuite pour soumettre par référendum la fusion, ou non, des départements présents au sein de ces entités.
En revanche, le duo s'oppose à la généralisation du vote électronique et du vote par correspondance, une évolution souvent posée dans le débat démocratique et que les élus assimilent à de "fausses bonnes idées". Trop coûteux, compliqués à mettre en place, risquant de favoriser des doutes sur l'intégrité du scrutin... Autant d'arguments qui plaidant, selon eux, pour un statu quo en la matière.
Tout en reconnaissant, comme tous, le désintéressement croissant des citoyens à la vie politique institutionnelle, certains députés ont toutefois mis en garde contre uen tentation de vouloir trop simplifier la vie politique qu'ils estiment vouée à l'échec. C'est le cas d'Erwan Balanant (MoDem), qui a souligné la complexité inhérente au fonctionnement des instances et de la vie politique. "Il n'est pas question de simplifier pour simplifier", a rétorqué Pâcome Rupin.
Laurence Vichnievsky (MoDem), Stéphane Mazars (LaREM) et Yaël Braun-Pivet (LaREM) ont, quant à eux quelque peu, renversé le problème, faisant état du déficit criant d'éducation politique et institutionnelle de nombreux citoyens, y compris parmi ceux qui ont fait de longues études. "On a un vrai problème de formation des citoyens", a relevé la présidente de la commission des lois, militant pour réfléchir à la manière d'y répondre.
Au-delà du constat formulé sur l'évolution de la vie démocratique et des propositions contenues dans le rapport, dont elle a souligné la pertinence, Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés) a fait part de son "sentiment d'impuissance" pour faire véritablement évoluer les choses. "Les rapports s'ajoutent à la suite des autres", a-t-elle constaté. À juste titre : ces derniers mois ou dernières années, Xavier Breton et Stéphane Travert, Yaël Braun-Pivet, et avant cela Claude Bartolone, Michel Winock ou encore Édouard Balladur ont apporté leurs contributions et mesures phares pour redonner du souffle à la vie démocratique. Sans qu'elles aient véritablement été mise en oeuvre.
"Il nous faut vraiment renforcer le rôle du Parlement", a insisté Cécile Untermaier. "On doit sortir de cette phase d'impuissance collective", a complété Yaël Braun-Pivet, appelant à sortir du constat pour passer aux réformes.