Un mois après avoir été nommé à Matignon, François Bayrou a prononcé sa déclaration de politique générale à la tribune de l'Assemblée nationale, ce mardi 14 janvier. Pendant 1h30, le Premier ministre a détaillé la feuille de route de son gouvernement devant les députés. Retour sur les principales annonces de ce discours.
C'était son grand oral. François Bayrou a, pendant une heure trente ce mardi après-midi, donné les grandes lignes de sa politique. Et les mots du Premier ministre, nommé le 13 décembre après la chute du gouvernement Barnier, ont été scrutés, notamment sur plusieurs grands dossiers. Le premier d'entre eux : la réforme des retraites, qui alimentait les discussions entre les forces politiques ces derniers jours, et plus particulièrement entre le gouvernement et le Parti socialiste. S'il n'a parlé ni d'abrogation, ni de suspension, François Bayrou a annoncé une remise "en chantier" de la réforme.
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Concrètement, le locataire de Matignon a expliqué qu'il allait "demander à la Cour des comptes une mission flash de quelques semaines", en vue d'établir "un constat" fondé sur "des chiffres indiscutables", pour pouvoir rapidement négocier sur des bases communes. Une fois ce rapport reçu, une "délégation permanente", qui se réunira pour la première fois dès ce vendredi, aura trois mois pour "rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de la retraite", à condition toutefois de ne pas dégrader "l'équilibre financier" du système.
Soit un accord est trouvé entre les partenaires sociaux et "le Parlement en sera saisi", soit aucune solution n'est trouvée et la réforme actuelle continuera de s'appliquer.
Parmi les autres annonces du jour, qui faisaient partie des demandes formulées par les socialistes, François Bayrou s'est engagé sur une "hausse notable" du budget de l'Ondam pour "améliorer les conditions de travail des soignants et protéger les plus fragiles". Sur le plan de la santé, il a, par ailleurs, indiqué que "la mesure de déremboursement de certains médicaments et des consultations ne sera pas reprise" par son gouvernement.
En décembre, dans le cadre de l'examen du budget 2025, l'effort financier demandé aux collectivités territoriales pour réduire le déficit public avait été vivement critiqué par les élus locaux et nombre de parlementaires. Dans l'hémicycle, François Bayrou a confirmé que cet effort sera fixé à 2,2 milliards d'euros, contre 5 milliards prévus initialement, par le gouvernement de Michel Barnier. "J'ai tout à fait confiance dans la capacité des élus à mener cet effort", a affirmé l'actuel Premier ministre.
Côté chiffres, la France vise un déficit public de 5,4% du PIB en 2025, supérieur à la projection de 5% du précédent gouvernement, avec le maintien de l'objectif de le ramener en 2029 au maximum de 3% fixé par la Commission européenne. La prévision de croissance est, elle, abaissée à 0,9% cette année contre 1,1% avant la censure.
Revenant pendant plusieurs minutes sur la situation à Mayotte, François Bayrou a prévenu qu'"aucun débat n'est tabou (...), notamment celui sur les conditions d'exercice du droit du sol" sur l'archipel français. "Nier que cette immigration illégale soit un facteur de déstabilisation sur la société mahoraise, c'est se voiler les yeux", a-t-il complété.
Sur la question plus générale de l'immigration, le chef du gouvernement a déclaré qu'il "est de notre devoir de conduire une politique de contrôle, de régulation et de retour dans leur pays de ceux dont la présence met en péril, par leur nombre, la cohésion de la nation". Arguant que "93% des OQTF (obligations de quitter le territoire français) ne sont pas exécutées", il a aussi indiqué vouloir réactiver le comité interministériel de contrôle de l'immigration.
François Bayrou a également annoncé qu'il inviterait en janvier les "forces politiques" de Nouvelle-Calédonie, avec l'objectif que les négociations, sous la houlette du ministre des Outre-mer Manuel Valls, "aboutissent à la fin de ce trimestre". En mai dernier, l'adoption par l'Assemblée nationale d'une réforme controversée du corps électoral calédonien pour les scrutins locaux avait déclenché des émeutes massives sur l'archipel.
Fervent défenseur de la proportionnelle, le Premier ministre l'a évidemment évoqué lors de sa déclaration de politique générale, en proposant "d'avancer sur la réforme du mode scrutin législatif", dans un débat où "chacun pourra exprimer sa position", car "il y a une discussion à avoir" sur le sujet. Citant le président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), François Bayrou a ajouté que cette "adoption du principe proportionnel" devra "probablement s'accompagner de la question de l'exercice simultané d'une responsabilité locale et nationale". Comprendre : un retour éventuel de la possibilité de cumuler un mandat de parlementaire et une fonction exécutive locale.
Le chef du gouvernement a également relancé une autre de ses idées : celle d'une "banque de la démocratie" pour que les partis politiques puissent se financer auprès d'"organismes publics" et "ne dépendent plus de choix de banques privées".
L'ancien ministre de l'Education nationale (entre 1993 et 1997), qui a rappelé sa "fierté" d'avoir occupé ce portefeuille, a longuement évoqué la question de l'éducation et de l'orientation scolaire, allant même jusqu'à déclarer, en réponse à un député, que "Parcoursup est une question". "Vouloir sélectionner précocement, sans qu'aient muri l'esprit et les attentes, est une erreur, en tout cas une faiblesse", a poursuivi François Bayrou, affirmant trouver "regrettable que très tôt les choses se jouent, trop tôt pour ceux qui n'appartiennent pas aux milieux favorisés".
En vue de "refonder notre Education nationale", le Premier ministre estime qu'il faut "ouvrir les portes", "sans doute en inventant, la période d'année d'articulation entre l'enseignement secondaire et supérieur".