Deux ans et demi après la fin de la mission d'information sur l’évasion fiscale internationale des entreprises, trois quarts des propositions des députés ont été appliquées, selon Bénédicte Peyrol (LaREM). Lors de la présentation de ses travaux de suivi en commission des finances mercredi 7 avril, la députée est également revenue sur la réforme fiscale en discussion sous l'égide de l’OCDE et son impact économique.
Présenté en 2018, le rapport de la mission d'information relative à l’évasion fiscale internationale des entreprises n'est pas resté lettre morte. Deux ans et demi plus tard, trois quarts des 38 propositions portées par la rapporteure de la mission, Bénédicte Peyrol (LaREM), ont été mises en œuvre. Selon la députée de la commission des finances, huit des quatorze dispositions législatives proposées ont été appliquées partiellement ou totalement, ainsi que cinq des six recommandations relevant de l'Union européenne et de l'OCDE. Quant aux recommandations du gouvernement, elles ont toutes été mises en œuvre partiellement ou totalement.
Lors de la présentation du rapport de suivi des recommandations en commission des finances mercredi 7 avril, Bénédicte Peyrol a toutefois souligné que du travail restait à faire sur l'évaluation de l'impact de l'évasion fiscale. Certes, la Mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf) a été lancée par le gouvernement. Mais un groupe de travail interdisciplinaire n'a pas encore été créé pour mettre "au point une méthode d’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales faisant consensus", comme le souhaitaient les députés. Car selon les méthodes de calculs, l'évasion fiscale peut représenter plus comme elle peut représenter moins. "Je reste convaincue que la mise en place de ce groupe de travail reste indispensable pour le chiffrage", plaide donc Bénédicte Peyrol.
Parmi les mesures qui ont été "totalement" mise en œuvre, la députée de l'Allier cite notamment la création du "mini-abus de droit." Un dispositif qui permet à l'administration fiscale de recaler les opérations d'optimisation poursuivant un but "principalement" fiscal. Benedicte Peyrol souligne également que l'élargissement de la notion de "régime fiscal privilégié", en abaissant le seuil de qualification dudit régime, a permis "de renforcer plusieurs outils de lutte contre l'évasion fiscale."
La question de la future réforme de la fiscalité internationale, dont les négociations sont menées sous l’égide de l’OCDE, a également été abordée en commission des finances. Concrètement, la réforme pourrait déboucher sur la mise en place d'un impôt minimal sur les profits mondiaux des entreprises ayant un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros. Soit un total d'au moins 2500 multinationales, relevait La Presse. Cette taxation minimale, débattue ce mercredi en visio-conférence par les ministres des Finances du G20, serait "une arme puissante pour lutter contre les paradis fiscaux", estime Bénédicte Peyrol. Selon les calculs de la députée, la France pourrait en tirer entre 4 et 7,5 milliards d'euros de recettes.
Cela dépendra en partie du taux d'imposition sur lequel s'accorderont les pays de l'OCDE. Jusqu'à présent, le chiffre évoqué était celui de 12,5%. Mais lundi, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a indiqué qu'il pourrait être supérieur, laissant entrevoir la possibilité qu'il soit fixé à 21%. Une augmentation à laquelle la France ne s'oppose pas sur le principe a fait savoir le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire.
"Après un accord international, il faudra décider de l'outil de mise en œuvre. (...) Si on arrive à avoir des négociations positives, ce sera une des réformes fiscales internationales des plus importantes qu'on ait connu depuis des dizaines d'années", se réjouit Bénédicte Peyrol, qui relève toutefois quelques points de vigilance. Outre la question du taux minimum, la députée souligne que l'attention devra être portée sur la méthode de calcul du taux effectif d'imposition.
La députée de La République en Marche estime par ailleurs que l'autre volet de la réforme - la création d'un système visant à moduler l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices réalisés dans chaque pays - ne devra pas être négocié à la marge : "Il est important d'avoir une approche globale. Ce n'est pas l'un sans l'autre." Ce deuxième point vise en particulier les géants du numérique, qui paient des impôts souvent sans rapport avec les revenus et les profits qu'ils dégagent localement.
Si les effets d'une telle réforme ne se feront sentir que d'ici cinq à dix ans, l'OCDE souhaite obtenir un accord dès le G20 Finance des 9 et 10 juillet.