Définition pénale du viol : "changer de paradigme" en intégrant la notion de non-consentement

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Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton à l'Assemblée nationale, le 21 janvier 2025
Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton lors de la présentation du rapport sur la définition pénale du viol, le 21 janvier 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Mardi 21 janvier 2025 à 20:05, mis à jour le Mardi 21 janvier 2025 à 21:48

Le rapport de la mission d'information sur la définition pénale du viol, menée par Véronique Riotton (Ensemble pour la République) et Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et Social), a été adopté à l'unanimité par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, ce mardi 21 janvier. Une proposition de loi, préparée à l'aune de ce rapport, pourrait être examinée au printemps prochain.

"Passer de la culture du viol à la culture du consentement". C'est tout l'enjeu, selon la députée Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social) de l'inscription dans la loi du consentement pour caractériser davantage les actes de viol et de violences sexuelles. Avec sa collègue et présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, Véronique Riotton (Ensemble pour la République), elles ont mené un travail de plus d'un an, afin de "changer de paradigme", en permettant à la justice de disposer d'un outil supplémentaire et aux victimes d'être mieux prises en compte.

Des progrès insuffisants en matière de répression des violences sexuelles

"Très rapidement, il nous est apparu que la loi devait être modifiée", a indiqué Veronique Riotton lors de la présentation du rapport, ce mardi 21 janvier, tout en évoquant des "progrès", en particulier depuis MeToo. La députée a cependant pointé le fait que "le taux de condamnations est si faible qu'il en dissuade les victimes de porter plainte". Le rapport souligne ainsi que 8 victimes sur 10 ne portent pas plainte, et que parmi celles déposées, le ministère de la Justice a comptabilisé 73% de classements sans suite en 2018.

L'arsenal juridique s'est véritablement renforcé ces dernières années avec une aggravation des peines, un allongements des délais de prescription. Pour autant, tous ces efforts conjugués n'ont pas eu pour effet un recul de la criminalité sexuelle, une meilleure protection des victimes, ou même un recul de la culture du viol. Véronique Riotton (Ensemble pour la république)

Dans une proposition déposée ce mardi, issue des conclusions de leur rapport, Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin proposent donc l'introduction de la notion de non-consentement dans la définition du viol, tout en préservant les critères actuellement en vigueur que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise.

Elles préconisent également, pour évaluer l'existence d'un consentement ou non, de le faire à l'aune de "circonstances environnantes" liées, par exemple, à un rapport de sujétion, et de prendre en compte les situations "où le consentement ne saurait être déduit", rappelant que dans 77% des cas de violences sexuelles, les victimes ont été en proie à un état de sidération. "Vous imaginez le nombre de femmes et de victimes qu'on laisse sur le bord de la route si on ne change pas la loi pour mieux appréhender les cas de sidération", a fait valoir Marie-Charlotte Garin.

"Pas d'inversion de la charge de la preuve"

À l'inquiétude qui a pu émerger durant les travaux de la mission d'information, et lors de la présentation du rapport, sur une éventuelle sur-justification demandée aux victimes, Véronique Riotton oppose une réponse claire : "Il n'y aura pas d'inversion de la charge de la preuve (...) On reste dans un système accusatoire". La députée estime aussi que la modification de la loi permettra de se concentrer sur un "faisceau d'indices" dirigé vers l'accusé, afin d'évaluer la manière dont il s'est assuré du consentement de la personne qui le met en cause. "Les interrogatoires, les investigations se concentrent déjà aujourd'hui sur la victime, précisément pour démontrer l'élément intentionnel et la preuve de la coercition", fait remarquer Véronique Riotton.

Le silence de la loi sur le consentement permet aux agresseurs d'utiliser la notion de consentement comme une arme. Marie-Charlotte Garin (Ecologiste et social)

Marie-Charlotte Garin va même plus loin, mettant à mal la prétendue difficulté de faire émerger la vérité quand deux discours s'opposent dans le champ d'une procédure judiciaire. "Le 'parole contre parole' n'existe pas, et ça ce sont des gendarmes qui nous l'ont dit. Quand on a les moyens de mener une enquête, d'interroger la téléphonie, une ex-conjointe etc, ce sont ces élements qui prennent le dessus".

A une question de Sarah Legrain (La France insoumise) - qui avait elle-même défendu une proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol en novembre dernier -, portant sur la promptitude du gouvernement à soutenir une telle mesure, et relevant le départ d'Eric Dupond-Moretti du ministère de la Justice, qui s'y était dit favorable, Véronique Riotton a répondu avoir recueilli le soutien "de principe" du nouveau garde des Sceaux, Gérald Darmanin.

Dans un premier temps, la proposition de loi sera soumise à l'expertise du Conseil d'Etat, que la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a décidé de saisir sur le sujet, avant une inscription à l'ordre du jour espérée par ses auteures à l'occasion de la semaine transpartisane du 31 mars. Si le texte est adopté, il ne s'agira que d'une étape dans ce "changement de paradigme" que Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin appellent de leurs vœux. "Il s'agit concrètement, de donner un outil supplémentaire aux juges pour pouvoir caractériser plus d'infractions et poursuivre plus", souligne cette dernière. "Cela ne veut pas dire qu'on peut assurer à 100% qu'il y aura plus de condamnations. Mais si déjà, on ne se retrouve plus avec 73% de plaintes classées sans suite, je crois que collectivement on y aura gagné".